Sauf

Mat est brocanteur à Montreuil. Il aime ce qui est beau, il aime ce qui est vieux. Il aime l’idée que le temps recouvre de sa patine les choses, les êtres et les souvenirs. À 48 ans, il mène une existence paisible auprès d’Anna, sur leur île proche de Paris, dans cette maison au bord de l’eau qu’il a bâtie de ses mains. Ensemble, ils n’ont pas eu d’enfant, mais il y a Laurie, deux semaines par mois et à temps complet dans le cœur de son vieux rockeur de beau-père.
À l’âge où l’on apprend à lire, Mat a appris le deuil. Il lui a fallu apprivoiser ses démons. À présent, il roule sur sa Triumph de 1966, les yeux fixés vers l’horizon.

Comme à chaque retour de congé, Mat passe en revue les acquisitions enregistrées par ses employés. Gary et Mylène sont à son image : des rescapés. Lui, un gitan dont la famille est connue des services de police et elle, une aristo qu’aucune torture ne ferait parler. La veille, ils ont récupéré un blouson en toile et un album photos à couverture de velours. Un objet sans valeur a priori, sauf que cet album, Mat le connaît : c’est celui de son enfance. Et ça ne fait aucun sens puisque son enfance a sombré dans le feu dans la nuit 6 au 7 août 1976 : le manoir de Kerloc’h, ses parents, quittés le temps d’une colonie.
Que sait vraiment Mat de l’année 1976, celle où orphelin, il fut recueilli par sa tante et son oncle ?