De Modiano, j'ai lu à une époque lointaine "Rue des boutiques obscures" Sans doute trop jeune pour l'apprécier, comme le dit Marc Viker, héros du livre à son fils.
« Marc se saisit du livre, caressa la couverture comme pour la dépoussiérer et dit :
— Certainement, mon fils… Mais ce n'est pas encore le moment… Tu as encore plein de choses à faire avant ça… »
Merci à l'auteur pour m'avoir proposé son roman, alors qu'en parallèle je l'avais sollicité sur NetGalley.

Marc Viker est un brillant avocat, surnommé dans les milieux parisiens où il évoluait avant de devenir bordelais « La vipère ». Enfant pauvre, il n'était pas destiné à cela. Un amour d'adolescence, une jeune fille aux cheveux blonds, un moment de colère suite à l'humiliation de trop, une agression envers un jeune homme riche vont changer sa vie. Il va quitter les lieux de son enfance et découvrir par l'intermédiaire de celui qui le défend le métier d'avocat. Plus tard, un client qui deviendra son ami lui transmettra les codes de ce milieu qui n'était pas le sien. Et un auteur, Modiano, va devenir son guide, son refuge.
Marc est à un tournant de sa vie, fatigué de son métier, il n'avance plus. Il faut lui semble-t-il se confronter à son passé, et revoir Anne cette jeune fille issue de son enfance, pour envisager l'avenir et peut-être retrouver une autre Anne, qui fut sa femme...
Mais ne risque-t-il pas de se brûler les ailes ? Devrait-il écouter son auteur préféré qui lui dit :
« Je me demande : Faut-il vraiment trouver une réponse ? J'ai peur qu'une fois que vous avez toutes les réponses, votre vie se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules de prison. Ne serait-il pas préférable de laisser autour de soi des terrains vagues où l'on puisse s'échapper ? »
J'ai ouvert ce roman, sans savoir vraiment où il allait m'emmener. Les premières pages montrent un homme solitaire, pris dans une existence faite d'habitudes, tourné vers le passé, un homme dont la vie ne parait pas justifier un roman. Il mange toujours dans le même restaurant, boit le même vin, lit sans fin le même livre, va à Paris régulièrement tous les trois mois où il descend toujours dans le même hôtel. Un hôtel où des scènes de sa vie lui reviennent en tête, des scènes qu'il rejoue à plaisir, qui lui semblent parfois plus réelles que sa vie actuelle.
Mais cette fois ci, au lieu de revisiter seul son passé, il va choisir de s'y confronter. Il va revoir Anne, lui parler, lui poser les questions restées sans réponse.
Dans une écriture soignée, que j'ai découverte avec beaucoup de plaisir, même si j'ai dû ouvrir mon dictionnaire à deux ou trois reprises, l'auteur dresse le portrait d'un homme vieillissant, fatigué, qui n'a jamais pu faire le deuil de son passé. Des questions le hantent, il n'a pas oublié et revoit encore et encore ces quelques scènes qui ont changé sa vie. Alternant entre passé et présent, ce texte plein de sensibilité m'a finalement happée. J’ai suivi avec intérêt le parcours de cet homme, ces quelques jours entre passé et présent, ses questionnements. Un homme qui à force de travail a su devenir un avocat respecté, mais qui est resté aussi cet adolescent peu sur de lui, qui tremble un peu toujours de ne pas être à la hauteur.
Et je me demande si je ne vais pas lire Modiano …