Cinq articles maximum

Si j'essaie au maximum d'exclure le "je" de mes chroniques, de faire fi de la subjectivité, je dois reconnaître que si le roman pourrait s'avérer répétitif pour un lecteur avide de fiction, il a été pour moi, qui travaille comme libraire (et donc dans le commerce) une véritable plongée au cœur de mes ressentis professionnels. Certes il n'a pas réellement de fil rouge, et peut-être que les descriptions ne bouleversent pas les réflexions sociologiques, mais elles sont d'une justesse et d'une véracité qui m'ont soufflée (d’autant que je ne suis d’ordinaire pas amatrice du ton « feel good »).
Claire Renaud sait créer des situations cocasses et des personnages ludiques, peut-être grâce à son expérience d'autrice jeunesse, et je ressentais à chaque instant la hâte de découvrir le prochain client curieux ou capricieux.
Ces pages rappellent les vertus de le patience (tant que subsiste le respect), et c'est un exercice de style très réussi que de restituer la vérité avec autant de simplicité. Cet ouvrage possède ce je-ne-sais-quoi qui touche humainement, qui donne envie de l'offrir autour de soi, sans trop savoir pourquoi, si ce n'est sa sincérité.

"Tout ce tissu pour envoyer les signaux indispensables et témoigner du fait que j'ai compris les codes , je m'habille comme il faut, incorporez-moi dans votre groupe, j'ai tout acheté pour en faire partie, j'ai la panoplie. Alors qu'il suffit d'être humain pour avoir sa place. "



Nous sommes à Niort, mais nous pourrions être dans n'importe quel magasin de vêtements dont les chaînes  occupent les centres-villes un peu partout en Europe.
Un lieu où les femmes de tous âges viennent, seules ou en bandes, flanquées ou non de leur compagnon , mais toujours de leurs névroses.
Car oui, s'acheter un vêtement quand on est une femme n'a rien d'anodin et ce n'est pas Juliette,  la vendeuse qui sert de lien à toutes les saynètes qui se déroulent dans ce microcosme, qui nous dira le contraire.
Claire Renaud brosse ainsi  une galerie de portraits , parfois acides, parfois très drôles,  mais toujours justes et remplis d'humanité. Elle nous dévoile aussi l'envers du décor et l’écœurement  de Juliette face à cette masse de vêtements : "Je suis ivre de ces marchandises, saturée, comme une cuite quotidienne qui donne la nausée puis fait vomir. "
Un roman bien moins léger qu'il y paraît, que j'ai surligné à tour de bras et qui se révèle une excellente surprise.