Comment les rabbins font les enfants
Sexe, transmission et identité dans le judaïsme
par Delphine Horvilleur
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Date de parution 14 oct. 2015 | Archivage 14 janv. 2016
Résumé
Mariant filiation et rupture, la tradition juive ne se renouvelle qu’en étant bousculée et nourrie par sa rencontre avec d'autres ; cela implique l’ouverture à l’Etranger, ainsi que l’ouverture au Féminin. Cet ouvrage est donc d’abord un plaidoyer pour une « religion matricielle » qui, à la manière d’un utérus, est un lieu de fertilisation. Les textes sacrés eux-mêmes y sont fécondés par des lectures inédites.
Illustrant brillamment cette vision ouverte de la religion, Delphine Horvilleur revisite, loin des interprétations convenues, quelques épisodes fameux de la Genèse, notamment Adam et Eve, Caïn et Abel, l'histoire biblique des premiers parents et des premiers enfants de l'humanité. Elle montre aussi sa capacité à repenser les grands problèmes contemporains à partir de la tradition rabbinique. Trois thèmes sont successivement abordés : Comment, selon le judaïsme, se fabriquent un parent, une identité et un désir, c'est-à-dire la possibilité d'enfanter l'avenir.
Procédant avec clarté et humour, citant aussi bien Emile Ajar et Amos Oz que la Genèse et le Talmud, elle conclut son livre par une analogie entre le Texte et le Féminin, dotés d’une même capacité de croître et de multiplier.
A l’heure des replis communautaires et des identités figées, que signifie appartenir et transmettre ? Contrairement à ce qu’affirment tous les fondamentalismes, la transmission d’un héritage ne doit...
Formats disponibles
FORMAT | Ebook |
ISBN | 9782246857426 |
PRIX | 6,99 € (EUR) |
Chroniques partagées sur la page du titre
Dans un contexte actuel de repli communautariste et identitaire, l'auteur se pose la question de la transmission entre les générations. Puisqu'elle est rabbin, son point de départ est plutôt religieux, mais la transmission n'est pas réduite à ce domaine, elle concerne aussi les valeurs et l'histoire familiale. Delphine Horvilleur s'appuie sur des épisodes de la Bible (Genèse, Exode, Esaü et Jacob...), sur des travaux de psychologie, mais aussi sur la culture populaire, pour s'interroger sur ce qui façonne un individu, le propre de l'homme n'étant pas le langage "mais le fait qu'il ait besoin d'un autre pour l'acquérir". Dès son plus jeune âge, l'être humain a besoin de l'influence des autres pour se développer, et doit donc trouver son chemin entre conscience de son appartenance et poids de son héritage, le tout sous l'influence de l'époque dans laquelle il vit.
J'ai été particulièrement intéressée par la relecture que fait Delphine Horvilleur des grands épisodes bibliques que chacun connait - mais de loin. Par sa connaissance des textes bibliques, et de l'hébreu, et donc de la racine et de la polysémie des mots ( il n'y a pas de voyelles en hébreu, donc un même assemblage de consonnes peut avoir plusieurs sens), elle déroule une histoire bien éloignée de celle qui est communément connue, et c'est passionnant : Adam qui reçoit l'injonction de quitter ses parents...alors qu'il n'en a pas ; Abraham, le "père des nations" qui est aussi un fils rebelle ; les Hébreux dans l'Exode, quittant leur mère Egypte pour trouver la terre promise comme un homme doit quitter ses parents pour s'unir à sa femme, la victimisation de Caïn alors que Dieu lui propose la résilience, Eve qui ne réussit plus à verbaliser son désir à la suite de la transgression et qui perd son statut d'"hommesse", partenaire d'Adam, pour devenir la "Mère" ultime...
J'ai pris énormément de notes pendant la lecture de cet essai, car tous les passages sont vraiment instructifs tout en restant très accessibles. L'étymologie en hébreu est passionnante, par exemple "le mot mutisme (ilem) est de la même racine que le mot violence (alimout) - celle-ci aurait toujours étymologiquement quelque chose à voir avec l'incapacité de dire"
En partant de l'exemple de la fête de Pessah (la Pâque juive) où les jeunes générations doivent poser une série de questions, l'auteur met en avant le fait que la jeune génération doit avoir été éduquée à s'intéresser au passé, à prendre l'initiative de poser des questions : au lieu de se contenter de reprocher à ses parents de n'avoir rien transmis, il faut aussi savoir aller vers eux pour leur poser des questions. "Contrôle" et "parabole" en hébreu sont les déclinaisons d'une même racine : comme la parabole contourne pour mieux appréhender, reprendre le contrôle de son héritage permet d'éviter la transmission -réplication.
Il y a un vrai message prônant la communication et l'ouverture dans "Comment les rabbins font des enfants" de Delphine Horvilleur. Fustigeant le fondamentalisme, "un refus d'expansion qui prétend que le texte a déjà tout dit et que seules les lectures passées sont valides", l'auteur insiste sur le fait que l'on doit faire de la nouvelle génération des "lecteurs", car "la pérennité du monde, comme celle de chaque tradition, dépend des relectures à venir".
J'ai beaucoup apprécié "Comment les rabbins font des enfants", un livre que j'ai trouvé très intelligent et ouvert d'esprit. La relecture des épisodes bibliques et l'utilisation de l'étymologie de l'hébreu m'ont passionnée, et même s'il y a des passages vraiment orientés sur le judaïsme - libéral, bien sûr, puisque c'est le courant de Delphine Horvilleur - notamment sur qui est juif, sur la conversion, sur la circoncision, la majorité de ce livre peut être appréhendée par tout un chacun, quelque soit sa religion, ou son absence de religion, puisque la transmission nous concerne tous, que ce soit en tant qu'enfant et/ou de parent. J'ai vu que Delphine Horvilleur avait également publié un livre nommé "En tenue d'Eve : féminin, pudeur et judaïsme" que je vais aussi me procurer, car j'ai aimé la façon dont l'auteur traite de thèmes universaux, avec un angle religieux certes, mais abordés de manière très accessible pour tous.