Nanette en dix étapes

Hannah Gadsby est une artiste de stand up primée en Australie, historienne de l'art, actrice, scénariste, dont le spectacle "Nanette" a connu un grand succès et a été diffusé en France sur Netflix.

L'écriture et la structure de son autobiographie sont à son image, à la fois construites, logiques, drôles, émouvantes, et parfois étrangement emmelées. Elles vous entraînent et vous perdent complètement pour finir par prendre sens dans le dernier chapitre. Toutes les réflexions, souvenirs fondateurs, paroles de personnes importantes de la vie de l'autrice se rejoignent et s'agencent pour dessiner les contours d'une personnalité hors du commun, lucide, travailleuse, dure au mal, talentueuse, et parfois encore très malheureuse.

Cette autobiographie est moins l'histoire d'Hannah Gadsby que ce qu'elle souhaite nous transmettre de sa vie, de ses fragilité physiques et psychiques, de son parcours, de ses prises de consciences et de ses choix militants.
Un chemin parcouru à l'envers, avec toute la puissance de l'analyse de l'adulte sur l'enfant qu'il a été, semé d'incompréhensions, de malentendus, de trauma, pour certains liés à l'autisme, pour d'autres à l'homosexualité, qui donne les outils de la réflexion à qui voudra s'en saisir.

Pédagogique et drôle, embrouillée et saisissante, une lecture qui fait sourire autant qu’elle émeut pour un destin exceptionnel, forgé à la mains, qui donnera espoir à plus d'une personne qui ne se sentirait pas "ancrée dans le monde correctement".

Je remercie NetGalley et les éditions Les Escales pour cette découverte que je recommande pour l’universalité de son propos. Je salue l'excellente traduction réalisée par Mathilde Bach de ce texte truffé de références au show business américain et australien.

Hannah Gadsby est une humoriste queer australienne dont la notoriété a explosé en 2018, grâce à la diffusion sur Netflix de son spectacle Nanette. Dans cet essai autobiographique, elle revient sur les circonstances qui ont amené la création du spectacle. Elle y développe les sujets et récits abordés dans Nanette, en revenant notamment sur son enfance et son adolescence.
Pour moi qui ait été bouleversée par le visionnage de Nanette, Nanette en dix étapes a été une lecture incroyable. Sur les passages les plus drôles, je pouvais me jouer la voix de Hannah Gadsby et je me retrouvais à rire sans retenue dans les transports en commun. Pour les passages les plus sombres, j'ai beaucoup apprécié d'être suffisamment familiarisée avec le ton et la teneur du propos de l'autrice pour m'attendre à ce que j'allais trouver dans ce livre. Hannah Gadsby a un humour mordant, noir, mais elle délivre le récit des évènements traumatiques qu'elle a vécus d'une façon telle qu'on ne pourrait lui reprocher un manque de bienveillance. Par moments, elle lâche une information comme une bombe avant de la laisser là et de promettre d'y revenir plus tard. La réalité des évènements qu'elle présente est dure, mais je trouve qu'elle a une belle façon de nous accompagner dans cette lecture. De la même manière que le spectacle créé des moments de silence voire de malaise, elle ne nous laisse jamais seul-e face au récit de ses traumatismes.
Dans Nanette en dix étapes, il est question de harcèlement, d'isolement, de viol, de dépression, et des difficultés insoutenables de survivre au quotidien avec les manifestations d'un trouble du spectre autistique qui n'a pas encore été diagnostiqué. Ce n'est pas une lecture légère, et pourtant elle ne manque pas de nous faire rire à gorge déployée en plus d'une occasion. Il est difficile de ne pas avoir de la compassion pour l'autrice en lisant les épreuves qu'elle a connues, mais son propos ne fait pas dans le pathos. Je crois qu'elle rejetterait aussi l'idée d'être vue comme une figure inspirante. C'est bien une personnalité et un parcours qui suscitent l'admiration, mais la façon dont Hannah Gadsby inscrit son récit dans des problématiques sociétales est aussi un geste militant fort. Les violences physique, psychologique, sexuelle, verbale sont le lot commun des personnes qui subissent comme l'autrice le sexisme, l'homophobie, la psychophobie et la grossophobie. Entendre une telle voix dans le monde du stand-up, c'est extrêmement libérateur.
Nanette en dix étapes, c'est aussi beaucoup de passages d'une grande douceur. J'ai adoré en découvrir plus sur la relation qu'entretient Hannah Gadsby avec ses parents et ses frères et sœurs. La tendresse et la reconnaissance qu'elle exprime pour sa famille tout au long de ce récit me sont allées droit au cœur et sont un baume après la lecture des passages plus difficiles.
Quand j'ai vu le nom de Hannah Gadsby dans le catalogue de NetGalley, j'ai bondi dessus et je n'ai aucun regret. Je suis ravie de m'être replongée dans ce récit d'une personnalité contemporaine dont la posture et le discours me semblent d'une importance cruciale aujourd'hui. Je recommanderai chaudement cette lecture autour de moi, et en particulier aux personnes qui ont été sensibles aux spectacles de Hannah Gadsby. Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m'ont permis de découvrir ce titre avant sa parution en France.

Hannah Gadsby est née en 1978 dans une petite ville isolée de Tasmanie. Humoriste, sa notoriété a acquis une dimension internationale en 2018, lorsque Netflix a diffusé son spectacle « Nanette ».
Ce livre retrace en quelque sorte la genèse du spectacle, indissociable du parcours de vie de Hannah Gadsby.
Un parcours semé d’embûches, dans une Tasmanie ouvertement homophobe (l’homosexualité n’y deviendra légale qu’en 1997). Même si Hannah ne comprendra qu’à l’adolescence qu’elle est elle-même lesbienne, ce contexte d’intolérance crasse la marque dès l’enfance. Une enfance qu’elle a considéré comme ordinaire, mais qui pourtant, avec le recul et son regard d’adulte, lui apparaît désormais loin d’être douce et bienveillante.
Cadette de 5 enfants, Hannah n’a jamais vraiment trouvé sa place, elle n’avait pas d’amis, ni l’école ni le sport ne l’épanouissaient, elle était maladroite et en surpoids, ce qui a fait d’elle la cible des moqueries. Mais personne n’a trouvé ça fondamentalement anormal, pas même elle-même.
Avec l’adolescence et la prise de conscience de son homosexualité, les vrais problèmes ont commencé, avec leur cortège de violences. Plus tard, Hannah quittera la Tasmanie pour l’Australie continentale et des études d’histoire de l’art. Pendant plusieurs années, sa vie sera chaotique, au bord d’un abîme de souffrances physiques et mentales. Le diagnostic tardif d’un trouble du spectre autistique lui permet d’enfin mieux appréhender ce qu’elle vit et a vécu en lui donnant une nouvelle grille de lecture de son comportement, et un nouveau point de départ pour se reconstruire, sans pour autant résoudre toutes ses difficultés et encore moins guérir ses blessures.

En 2006, elle gagne un concours de stand-up, qui lance sa carrière d’humoriste. Pendant plusieurs années, elle connaît le succès avec ses spectacles bourrés d’autodérision, mais en 2015, le débat violent sur la légalisation du mariage homosexuel en Australie l’ébranle profondément, au point de remettre en question l’essence même de son travail. Une réflexion qui aboutit à « Nanette », spectacle dans lequel elle renonce à l’autodérision (mais pas à l’humour) au profit de l’authenticité et de son droit à être enfin elle-même, bien qu’elle ne soit pas encore certaine de savoir qui elle est exactement.
Je n’avais jamais entendu parler de Hannah Gadsby avant de lire ce livre. L’auteure se tire le portrait (ainsi que celui de son époque et de son pays) sans complaisance, utilisant l’arme fatale de l’humour pour encore aiguiser les angles. Avec un certain détachement qui rend le texte encore plus poignant, elle nous raconte son parcours de vie difficile, ses fragilités, ses traumatismes, ses combats, sa tendresse pour sa famille, sa relation épique avec sa mère. Un peu long et parfois embrouillé, mais attachant, « Nanette en dix étapes » fait autant sourire qu’il brise le cœur, et suscite une empathie énorme envers son auteure. Ce récit m’a aussi donné envie de visionner « Nanette », qui est à l’avenant du livre : profondément sincère et émouvant.

J'avais adoré les spectacles d' Hannah Gadsby et même si je savais que la lecture de ce conséquent (900 pages!) mémoire ne serait sans doute pas facile, car Nanette ne l'était pas non plus, ce serait aussi brillant et inspirant que le spectacle l'était et donc je n'ai pas hésité à me plonger dedans. Il est fascinant de voir Hannah parler de sa famille, sa jeunesse et les étapes menant à son spectacle, toujours avec humour et une certaine dérision qui donne l'impression qu'elle se fiche bien de ce qu'on pense d'elle, elle est comme elle est et c'est très bien ainsi. La lecture n'est pas aisée, elle aborde l'isolement, le viol, le harcèlement, il faut s'accrocher. Mais si vous aimez ses spectacles, vous aimerez son livre.