Seule restait la forêt

Ce livre est une merveille.

Un changement de temporalité, j’ai vécu ma lecture au rythme de la nature.

Quatre cent ans de la vie de quelques familles, d’une maison, d’une forêt et de fantômes.

Une leçon d’humilité pour les hommes qui finalement ont une vie très courte et règnent en maîtres imposants leur volonté à tous ceux qui les approchent.

La cabane sera agrandie, transformée, inoccupée, se délabrera et finira envahie par la nature mais conservera toujours les secrets des habitants.

J’ai beaucoup aimé Osgood et ses merveilles, le peintre amoureux et sa passion pour cette nature qu’il peindra jusqu’à la fin donnant lieu à de très belles descriptions.

Viennent aussi des êtres plus sensibles qui ressentiront les émotions laissées : amour, haine, envie … cadavres aussi.

Patrick Modiano a écrit : « Je crois qu’on entend encore l’écho [… ] de ceux qui ont disparu. Quelque chose continue de vibrer après leur passage, des ondes de plus en plus faibles, mais que l’on capte si l’on est attentif. […] tous ses échos épars qui flottaient dans l’air se cristallisaient.»

Finalement ce qui disparaît est toujours là sous d’autres formes, la forêt fait face aux hommes et à leurs caprices. Elle change, évolue subit les hommes, les insectes, les changements climatiques mais tient fermement sur ses racines.

C’est une histoire étonnante avec une fin surprenante.

Daniel Mason possède une très belle plume. Le texte est bien documenté, de jolies photographies de l’époque l’agrémentent ainsi que les chants des jumelles Osgood.

« … je suis parvenu à la conclusion générale que celui qui fait du bien à la terre sera protégé, tandis que celui qui la viole subira le plus vif des retours de bâton. »

À lire absolument.

Merci aux éditions Buchet Chastel pour ce service de presse. Cette chronique n’engage que moi.

#Seulerestaitlaforêt #NetGalleyFrance

Aux confins du Massachusetts.
Une forêt.
Deux amoureux issus d'une communauté puritaine fuient et s'installent en son sein.
Posent une pierre. Du bois. Se créent une cabane.
Pendant 400 ans, jusqu'à aujourd’hui, cette cabane et la forêt environnante vont être le témoin de destinées, des vies d'une multiplicité d'individus, de pensées intimes, de joies et de drames.
Le tout dans le tumulte de l'Histoire.

Est-ce qu'un lieu laisse une trace dans une vie, la façonne, l'influence ? Quel est le poids des vies antérieures qui ont habité un lieu ? Habite-t-on un lieu ou est-ce lui qui nous habite ?

Un couple qui fuit pose les bases d'un nouvel Eden dans lequel un des habitants suivants n'aura de cesse de créer un verger et rédiger des traités sur la pousse des pommes. Puis un chasseur d'esclaves, des jumelles, un peintre, un journaliste...
Des liens parfois évidents parfois plus ténus lient ces êtres et le texte afin que coule l'histoire sans rupture autour de la cabane construite, abîmée, agrandie, retapée, promise à différents destins elle aussi, selon la volonté des Hommes.

Ce roman (très) américain ne ressemble à aucun autre. À l'image de la multitude d’individualités, l'auteur propose un texte dans une multitude de styles : roman, récit, traité, article de journal, témoignage, correspondance... Aussi déroutant qu'intelligent.

La cabane ressemble à un écosystème évoluant au fil des siècles mais dont les fondements solides ancrent le lecteur comme les personnages. Ainsi la forêt (presque personnifiée) et ses habitants ont la part belle et transcendent le temps.

Si le texte est audacieux, j'y ai ressenti parfois quelques longueurs et une pointe d'agacement. La métaphore biblique et l'hymne à la gloire de l'Amérique confèrent à celle-ci une sorte d'éternité alors que cette nation est somme toute encore jeune. La conquête est au cœur du récit, peut-être pour mieux dénoncer l'ironie de celle-ci. Car, finalement, aucun de ses propriétaires ne possède réellement la cabane.

Bilan :
Un roman inclassable qui interroge la place de l'être humain dans la continuité du temps. Un texte dense agrémenté de gravures qui le laisse pas indifférent ! Quelle imagination !